J'ai toujours eu un faible pour Les Innocents. De l'increvable L'autre Finistère au plus complexe Une vie moins ordinaire, en passant par le vibrionnant Un monde parfait, les chansons des Lillois m'ont souvent séduit par leur capacité rare à conjuguer la sacro-sainte pop en langue française.
Le secret de cette réussite? Une érudition certaine - des Beatles à XTC -, un sens mélodique assuré et des textes qui échappent au dictat du sens, si prégnant dans la chanson française habituellement. Ajoutez-y une vraie ambition musicale, dans la composition comme la production, et vous obtenez une anomalie hexagonale que les amateurs de pop auront maintes fois eu le temps de regretter durant les 15 dernières années.
Autant dire que c'est avec impatience que j'attendais ce Mandarine, cinquième album des Innocents, après 16 ans de silence, mais succédant à 3 ans de tournées discrètes pour JP Nataf et Jean-Christophe Urbain. Les deux voix - et deux plumes - du groupe, rabibochées, enfin, pour le meilleur, restait à voir.
Car comme le suggère le joliment nommé Les souvenirs devant nous, les meilleures intentions ne suffisent pas toujours, "les lendemains qui sentent beau, les rêves, le revolver encore chaud, et voilà que tu chantes faux". Belle lucidité... qui se limitera heureusement à ces quelques lignes. Pour le reste, Nataf et Urbain n'ont rien perdu de leur savoir-faire, ni de leur délicatesse.
Dès l'inaugural Les philharmonies martiennes (ce titre), on retrouve le phrasé ciselé de JP Nataf, ces textes mi-impressionnistes, mi-marabout-de-ficelle, doublant une mélodie de guitares acoustiques tout aussi élégamment tressée. Le ton est donné, dépouillé et délicat, en duo, sans fioritures. Et les perles de se succéder, entre marottes acoustiques (Harry Nilsson, Floués du banjo) et pop-songs plus tarabiscotées (Petite voix, Love qui peut).
Et si le souffle qui habitait les disques solo de Nataf domine ici, dans ces chansons légères et bricolées, on se réjouira de retrouver la plénitude des Innocents sur deux titres plus musclés, dont l'un sur lequel s'invitent les trois autres membres du groupe. Oublier Waterloo, d'abord, comme un écho au Wilco d'I Might. J'ai couru ensuite, merveille façon Monde parfait, complexe et évidente à la fois, tendue, élastique, qui fait mouche. Et laisse espérer de plus beaux lendemains encore, entre les beaux souvenir et ce beau nouveau disque.
Les innocents
Mandarine
Jive/Sony
En concert: Lausanne, Les Docks, vendredi 16 octobre.
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